Quand le fantasme empêche la rencontre sexuelle
Longtemps tenu secret, le fantasme n’échappe pas à l’injonction de transparence qui gouverne nos sociétés. De nombreux articles dans la presse féminine font étalage des fantasmes les plus courants, des auditeurs sur les radios confient leur théâtre intérieur affichant ainsi un idéal de liberté sexuelle. Ils véhiculent sournoisement l’idée d’une norme fantasmatique. Il y aurait les bons fantasmes susceptibles d’exciter le ou la partenaire et les autres moins populaires car pas assez sexués ou trop subversifs. S’ils constituent un élément fondamental de la libido pour encourager le désir, les témoignages de nos patientes révèlent une réalité complexe qui échappe à la conscience. Les fantasmes inquiètent car ils nous plongent directement au cœur de l’inconscient et des forces pulsionnelles. Cette dimension, indifférente aux valeurs morales peut effrayer et prendre la voie du refoulement ou du contrôle, contrôle qui peut se traduire par une difficulté à percevoir ses fantasmes ou d’une honte face à un imaginaire contraire aux valeurs du surmoi. Lorsque la dimension fantasmatique n’est pas assumée, elle entrave la circulation de l’énergie sexuelle et risque d’empêcher la rencontre sexuelle.
Je vais illustrer ce thème à travers le travail thérapeutique d’une patiente, Célia 30 ans, qui consulte pour anorgasmie et manque de désir dans sa sexualité de couple malgré une production fantasmatique très riche. Ses grandes capacités d’élaboration ont largement facilité mon travail et nourrit une réflexion autour de plusieurs axes qui organiseront le déroulé de cet article : qu’est-ce qu’un fantasme, quelle forme peuvent-ils prendre, comment se construisent-il, à quelle logique inconsciente obéissent-il ? Comment les interpréter ? Autant de questions que nous allons éclaircir grâce aux théories psychanalytiques puisque s’intéresser au fantasme, c’est découvrir une partie des lois de l’inconscient.
I) Qu’est ce qu’un fantasme ?
Définition : de la psychanalyse à la sexologie
Au niveau étymologique, ce terme provient de l’association du mot grec « phantasma » qui signifie hallucination, fantôme avec « fantaisie » qui désigne la capacité à imaginer.
Sur un plan psychanalytique, Freud le définit comme « un scénario imaginaire généralement inconscient, qui sous une forme hallucinatoire procure du plaisir au sujet et le console d’une réalité extérieure frustrante…Bien que s’affranchissant du principe de réalité, l’élaboration du fantasme s’étaye sur le souvenir d’une expérience antérieure, la plupart du temps infantile ». C’est une construction de l’inconscient visant à la réalisation imaginaire d’un désir insatisfait. Il aurait pour fonction de protéger du déplaisir en créant de façon hallucinatoire un plaisir anticipé. La psychanalysea révélé la fonction défensive du fantasme à l’égard d’un réel potentiellement traumatique ou frustrant.
Sur le plan sexuel, le sexologue Claude Crépault le définit comme une représentation mentale plus ou moins imagée, à contenu explicite ou symbolique; il s’accompagne d’une sensation de plaisir susceptible d’induire ou d’alimenter une excitation génitale.
Un contenu protéiforme
Claude Crépault a distingué plusieurs formes d’expression du fantasme. Il n’est pas forcément sexuel, En effet, pour certains sujets, les contenus sexuels sont plus anxiogènes qu’excitants. Il n’est pas forcément imagé non plus, il peut s’exprimer sous la forme d’une impression (impression d’être très puissant/e) par exemple ou très désiré/e), Il peut également se manifester par des symboles (des mots, des objets…). Les mots constituent souvent des supports fantasmatiques privilégiés dans les scenarii féminins. Cette distinction entre les fantasmes féminins et masculins peut paraître surprenante puisque qu’ils s’enracinent dans l’inconscient et que celui-ci est indifférent à la loi du genre. Le féminin et le masculin de l’inconscient ne recouvre pas les identités de genre. Il traduit plutôt des pulsions passives ou actives. Néanmoins, nous sommes des êtres de culture et notre inconscient subit l’influence de notre héritage culturel. Le fantasme féminin s’inspirera de ce que son environnement lui a transmis de la féminité, des traces laissées par ses lectures ou ses films et de ce qu’elle imagine devoir montrer.
Par ailleurs, notre anatomie nous distingue par la visibilité des organes sexuels. Comme le souligne la psychanalyste Sophie Cadalen, « les hommes sont déterminés par cette visibilité parce qu’ils se croient obligés de la démontrer. Sensibles au visible, ils vont l’être également sur le mode fantasmatique et vont fantasmer sur ce qui se voit ». De plus, au cours de l’histoire, leur sexualité a subi moins de répression que celle des femmes donc leur pulsion sexuelle est moins inhibéeet leur permet d’accéder plus facilement à leur imaginaire érotique. A l’inverse, l’invisibilité des organes sexuels féminins implique que le fantasme féminin aura besoin de symboliser ce désir pour lui faire prendre corps. C’est pourquoi les mots, les impressions, les décors constituent des supports privilégiéspour accéder au désir dans la sexualité féminine. Leur sexualité a longtemps été réfrénée, c’est ce qui explique pourquoi l’accès à leur imaginaire pulsionnel peut être plus difficile à percevoir que celui des hommes.
Au-delà des variations de contenu, les représentations imagées peuvent être plus ou moins contrôlées par le surmoi en fonction phases cycle sexuel. Les fantasmes convoqués pour encourager la phase d’excitation sont en général mobiles et varient en fonction de l’inspiration du moment. Ils sont plus ou moins conscients et peuvent être suscités par des événements actuels ou passés, réels ou imaginaires. En revanche, lorsque l’orgasme approche, les inhibitions se lèvent et les images qui apparaissent sont souvent des traces intactes ou modifiées des premiers émois infantiles ou préadolescent. Ils trahissent la présence de l’inconscient et d’une force pulsionnelle tenue dans l’ombre. Par conséquent, ils peuvent être très éloignés des valeurs du surmoi, et leur dimension amorale peut générer des sentiments de honte de de culpabilité. C’est cet aspect que nous allons explorer dans le cas clinique car s’intéresser aux fantasmes qui nourrissent l’activité sexuelle, c’est plonger directement au cœur des forces pulsionnelles.
II) Lorsque le fantasme empêche la rencontre sexuelle : un cas clinique
Célia a 30 ans, elle consulte pour une difficulté à obtenir un orgasme avec son compagnon et un manque de désir. C’est une jeune femme à l’allure délicate et au regard vif. En couple depuis deux ans, elle décrit une relation satisfaisante en dehors de la sexualité auprès d’un partenaire aimant, tendre et « très sexuel » dit-elle. Son partenaire ne lui met aucune pression mais il s’inquiète de son manque d’appétence pour la sexualité. Elle se sent triste de ne pas lui offrir des orgasmes et de ne pas répondre à son idéal de femme libérée.
En revanche, elle n’a aucune difficulté à obtenir des orgasmes en se masturbant seule. Elle décrit deux types de fantasmes. Dans la phase d’excitation et de montée du désir, ses fantasmes sont variables et contiennent parfois des scènes de relations homosexuelles ou de sexualité collective. Dans la phase pré-orgastique, le même scénario revient invariablement. Elle convoque des images de viol dans lesquelles elle a le statut d’observatrice. La violence de ses fantasmes la désarçonne car ils sont très éloignés de la culture féministe dans laquelle elle a évolué. La honte et la culpabilité qu’elle éprouve face à leur efficacité l’empêche de les utiliser dans la relation sexuelle. Elle n’arrive pas à les partager avec son compagnon qui voudrait bien connaître cette part tenue secrète. Sans appui imaginaire, elle se sent inhibée dans le rapport à deux et évite des rapprochements.
Elle grandit dans un environnement familial aimant et dans lequel la culture a une grande importance. Issue de la classe moyenne (père enseignant et mère infirmière), elle a une sœur de deux ans plus âgée qu’elle. Leur relation est marquée par des rapports très conflictuels jusqu’à l’adolescence. Sa sœur a été très jalouse et maltraitante envers elle jusqu’à la puberté.
Au fil la thérapie, elle retrace des souvenirs marquants qui jalonnent sa vie sexuelle. Elle a cinq ans. Elle joue au ballon prisonnier dans la cour de la maternelle. Elle est prisonnière, plaquée contre un mur avec un groupe de garçons qui la regardent. Elle ressent une excitation très forte, d’une nature étrange pour elle et dont elle ne sait que faire. Elle se souvient avoir été déçue d’être libérée aussi vite. A la suite de cet événement, après l’école, elle se construit des histoires dans lesquelles elle est menottée par des hommes dans un château. Vers neufs ans, elle se remémore des fantasmes où elle domine et humilie des garçons de son âge ou un peu plus âgés. Elle éprouve un fort sentiment de culpabilité dans sa jouissance à faire du mal. Au collège, c’est une jeune fille plutôt réservée et inhibée dans son corps. A quinze ans, elle découvre une lettre de sa mère qui écrit à son amant que son père a une sexualité un peu brutale, qu’il n’est pas tendre avec elle et qu’elle envisage de le quitter. C’est un choc, les propos de sa mère sont en contradiction totale avec ce qu’elle peut percevoir du couple parental. C’est une famille où il n’y a jamais d’éclat, les parents sont toujours positifs. Il n’y a pas de place pour la plainte. On parle de la souffrance des autres, des malades de sa mère, des élèves de son père mais jamais de ce qui se passe sous leur toit. Célia n’a jamais osé se plaindre à ses parents de la maltraitance qu’elle subissait de sa sœur. Pour calmer son émotion, elle recopie à la main la lettre de sa mère.
Durant cette période, elle visionne des films pornographiques en groupe (filles et garçons) au cours desquelles elle est très excitée. Devant la réaction de ses amies qui sont heurtées par ces images, elle n’ose avouer son excitation. Elle se sent anormale, honteuse et coupable d’être émue par le désir que suscitent les actrices pornographiques et s’identifie à elles dans ses fantasmes.
Aujourd’hui encore, elle éprouve les mêmes ressentis de honte et de culpabilité dans les rapports sexuels. Honte d’avoir de tels fantasmes, culpabilité de ne pas avoir une sexualité libérée.
Elle souhaiterait se libérer sa fixation fantasmatique pré-orgasmique et s’affranchir de la honte qui accompagne toutes productions imaginaires. Son intuition l’incite à penser que ces étapes sont nécessaires pour désinhiber sa sexualité. Dans un premier temps, les théories psychanalytiques sur l’origine du fantasme, nous permettra d’apporter un éclairage aux fixations fantasmatiques de Célia. Ensuite, nous découvrirons ensuite à quelle logique inconsciente ils obéissent et enfin quel sens attribuer au contenu qui la bouscule.
III) L’origine du fantasme : du fantasme des origines à la mauvaise rencontre
L’origine du fantasme est le fantasme des origines soutiennent les psychanalystes J. B Pontalis et Jean Laplanche : « c’est dans ce que, enfant, nous nous entendu, pressenti de ce qui se passait dans la chambre parentale, de ce que nous avons imaginé de cet acte vu à l’origine de notre venue au monde qu’ils tirent leur source. La sexualité est donc, par essence, le lieu où nous pouvons approcher ce monde des profondeurs en nous ». Freud avait repéré qu’ils sont élaborés à l’aide de choses entendues qui ne sont utilisées qu’après coup et ils combinent ainsi le vécu et l’entendu, le passé – c’est-à-dire tout ce qui concerne l’histoire des parents et des aïeux – avec le vu lui-même.
A ces ressentis précoces, s’ajoute ce que Lacan appelle « la mauvaise rencontre ». Pour lui le traumatisme, c’est la rencontre avec le sexuel. La mauvaise rencontre, c’est n’est pas tant la rencontre avec un séducteur réel ou imaginaire mais plutôt la rencontre avec un « excédent d’excitation » que l’appareil psychique ne parvient pas à résorber faute d’une représentation qui puisse le prendre en charge et le canaliser. C’est une effraction de la psyché par un impensable. Le souvenir de cette effraction dit Freud « agit à la manière d’un corps étranger qui longtemps encore après son irruption continue à jouer un rôle actif ». Il s’agit donc d’une excitation qui outrepasse la limite du principe de plaisir, c’est-à-dire la jouissance. La mauvaise rencontre initiale, est donc la rencontre avec la jouissance. Si cette rencontre s’avère traumatique, c’est qu’elle est d’abord rencontre avec une jouissance intrusive. Freud utilise le terme de « lacune dans le psychisme » c’est à dire la marque d’un trou dans la trame des représentations.
Dans l’histoire de Célia, le trop plein d’excitation ressentie comme étrange, lors du jeu du ballon prisonnier, constitue la mauvaise rencontre. A cinq ans, son appareil psychique ne pouvait résorber cet excédent d’excitation. Elle tente de le canaliser à travers les rêveries de princesse menottée. A partir de neufs ans ses rêveries se métamorphosent en fantasmes de domination et d’humiliation. Très éloigné des normes culturelles dans lesquelles elle évolue, elle ne peut assumer la teneur de ces fantasmes. Ils sont entachés de culpabilité et de honte. On peut imaginer que les rapports de maltraitance avec sa sœur avaient déjà initié une sensibilité aux rapports de force. La scène de la cour de récréation n’a fait qu’ouvrir une brèche déjà existante. La découverte de la lettre de sa mère qui laisse entrevoir une brutalité insoupçonnable dans les rapports parentaux ne fait que confirmer les rapports de pouvoir qui animent les liens affectifs. A partir de cet événement, le fantasme va subir des métamorphoses qui obéissent à leur propre logique.
IV) La logique inconsciente du fantasme : du refoulement au déguisement
Le fantasme vient du ça affirme Freud. La constitution du sexuel et de l’apparition du fantasme sont les produits du refoulement. Il souligne que le refoulement de la pulsion serait la condition de la constitution du sexuel et en particulier du fantasme masochiste. Refoulée, la pulsion fait retour dans le moi sous le mode du fantasme. Il se déguise pour échapper à la censure sur Surmoi. Le déguisement peut prendre la forme du retournement en son contraire.
Les fantasmes de viol peuvent être interprétés selon la logique inconsciente du déguisement. Le violeur symbolise alors l’intensité du désir et la charge agressive que le surmoi ne peut tolérer. Dans une version plus policée, les fantasmes de Prince charmant traduisent le déguisement d’un désir qui ne peut être assumé par le sujet et que le Puissant (le prince) va prendre en charge. Les deux peuvent traduire également un désir régressif de prise en charge et de déresponsabilisation. Ces fantasmes s’inscrivent dans un jeu de domination et de soumission qui remplissent une autre mission : contrôler l’acte sexuel. Ce qui est en jeu, ce n’est pas tant la rencontre avec l’autre mais l’expression de la pulsion sous un mode auto-érotique. Soumisse ou dominante, la scène est maîtrisée, point de déceptions, les rôles de chacun sont écrits. Ils évitent la déception, les mauvaises surprises. L’agressivité est sous contrôle.
Ainsi, attribuer un sens au fantasme nécessite de se détacher du contenu et de questionner la pulsion qu’il est censé soulager. Célia évoque plusieurs thématiques récurrentes dans ses fantasmes, le viol, scénario fixe nécessaire à l’obtention de l’orgasme et d’autres thèmes récurrents mais plus mobiles en général utilisé pour encourager le désir : l’homosexualité et la sexualité collective. Alors que le premier génère un sentiment de honte et de culpabilité, les seconds l’interrogent sur le sens à leur donner. Au vu de la logique inconsciente, quelles pulsions sont-ils sensés apaiser ?
Le désir et l’agressivité déguisés en violeur
Dans le cas de Célia, le violeur peut présenter l’expression de ses désirs inexprimés. Célia s’est toujours sentie inhibée dans sa sexualité. La richesse de sa vie fantasmatique trahit un potentiel érotique pas totalement assumé. Son histoire infantile marquée par la violence des rapports avec sa sœur et par l’excitation liée à son statut de prisonnière lors du jeu de ballon constituent les éléments fondateurs des fantasmes de domination. Ainsi, son plaisir à humilier et à dominer les hommes dans son théâtre intérieur joue un rôle réparateur des situations où elle fut victime. Elevée dans un environnement où la culture féministe est importante, on peut imaginer qu’à l’adolescence, le surmoi a augmenté ses exigences. Il ne pouvait assumer l’agressivité de ses fantasmes et l’excitation générée par les films pornographiques. Par le jeu du déguisement son inconscient soulage sa culpabilité en prenant en charge la force de son désir et sa violence sous les traits du violeur. La censure surmoïque va jusqu’à lui donner le statut d’observatrice et non d’actrice. L’opération ne parvient pas à supprimer les sentiments de honte et de culpabilité de faire subir autant de violence aux femmes.
Le besoin de maîtrise déguisé en fantasme homosexuel
Ces fantasmes l’interrogent dans la mesure où elle ne ressent aucune attirance pour les femmes. Elle décrit un rapport sexuel parfaitement maîtrisé où la femme la devine au point de la mener à l’orgasme dans une chorégraphie parfaite. Cette femme lui permet de prendre possession des zones de plaisir qu’elle ignore. Il peut s’interpréter comme l’incarnation d’un désir de maîtrise d’autant qu’elle a l’impression de ne pas totalement se connaître.
Le fantasme de dépossession déguisé en sexualité collective
Ce fantasme intervient quelques jours après, un week-end passé avec des amis de son compagnon qu’elle qualifie de mâles alpha et pour lesquels elle a éprouvé du désir. Il peut exprimer le désir d’échapper à la contrainte du couple monogame. Sophie Cadalen affirme que ces fantasmes peuvent s’interpréter également comme un désir de dépossession de soi, le groupe venant effacer les limites individuelles dans l’espoir d’échapper à la censure personnelle.
Ainsi, le décryptage de ces scénarii permet de mettre en lumière la manière dont les fantasmes dissimulent une réalité refoulée. Leur construction consiste à un retournement de cette pulsion refoulée en fantasme. Dès lors explorer les fantasmes sexuels, c’est avoir accès à l’ensemble de leur organisation psychique.
Quel a été le résultat de la thérapie sur le fonctionnement psychique de Célia ?
Le résultat du travail thérapeutique
Lacan affirme que la valeur de la psychanalyse est d’opérer sur le fantasme. Même s’il ne s’agit pas d’un travail psychanalytique à proprement parler, (la thérapie s’est déroulée raison d’une séance toutes les trois semaines en face à face), le cheminement thérapeutique a permis d’alléger le sentiment de honte qui infiltrait sa vie sexuelle.
Elle a pu prendre conscience de son potentiel érotique et surtout intégrer que sa richesse fantasmatique témoigne d’une énergie sexuelle importante. Désormais, elle peut ainsi se dire « très sexuelle » comme son compagnon. Enfin, en comprenant la logique à l’œuvre dans ses fantasmes, elle a pu intégrer que l’idéal féministe est tout à faire incompatible avec un imaginaire sexuel plus archaïque.
Et enfin, la dynamique de couple a bénéficié elle aussi de ce travail. La colère a fait son apparition et entrainé plus de tonicité et d’affirmation dans leurs échanges. Jusqu’alors, elle évitait les conflits et ressentait toujours une immense tristesse lors des disputes. Depuis peu, elle arrive à exprimer des mouvements de colère et redoute moins la rupture à chaque dispute.
Ce qu’il faut retenir
Les fantasmes entretiennent un lien très étroit avec le désir. Lorsqu’ils sont mobiles et éphémères, ils constituent une énergie vivante susceptible d’enrichir la rencontre avec le ou la partenaire. En revanche, le fantasme fixe témoigne d’un vécu traumatique, d’une rencontre précoce et effractante dans la psyché d’un événement qui n’a pas pu être élaboré. Dans son théâtre intérieur, le sujet le rejoue éternellement tentant alors par cette entreprise de parvenir à bout de cet excès d’excitation encore à l’œuvre. Cette rigidité dans le scenarii empêche toute rencontre avec l’autre et toute improvisation. En revisitant les événements à l’origine de ces traumatismes et surtout en aidant nos patients à élaborer ce trop plein d’émotion encore agissantes, le travail thérapeutique devrait leur permettre de se libérer ou du moins d’assouplir les chaînes qui les relient à cette partie du passé.
Ainsi, plonger au cœur de ses fantasmes, c’est découvrir la force pulsionnelle qui circule en nous. Les assumer c’est assumer sa sexualité mais aussi plus largement c’est assumer qui nous sommes.
Bibliographie
Nasio J-D, Le fantasme, le plaisir de lire Lacan, Petite Bibliothèque Payot, 2005.
Crépault Claude, Les fantasmes : l’érotisme et la sexualité, Odile Jacob, 2007.
Cadalen Sophie, Rêves de femmes : faut-il oser les fantasmes?, Leduc Editions, 2005.
Lerude Martine, Les temps logiques de la mise en place du fantasme. Introduction freudienne, Revue Lacanienne 2012/1 (N°12, pages 11 à 18).
Freud Sigmund, Au-delà du principe de plaisir, Payot, 2010.